LES ENERGIES RENOUVELABLES, C'EST JUSTE DE L'EOLIEN ?

Publié le par Association HURLEVENT

A en juger par l'espace médiatique occupé par l'énergie éolienne dès qu'il est question d'énergies renouvelables dans la presse française, voire d'énergies tout court, il est assez tentant de penser, pour nous autres Français, qu'il s'agit là d'une contribution majeure dans l'ensemble des énergies d'origine renouvelable, ou au moins celle qui présente le plus fort potentiel. Passé cette première impression, que disent les chiffres ?

 Quelle part de l'éolien dans le bilan énergétique "renouvelable" mondial ?

Si nous regardons aujourd'hui quelle est l'énergie d'origine renouvelable la plus employée dans le monde, elle ne doit rien à la haute technologie, puisqu'il s'agit.... du bois, c'est-à-dire de la première source d'énergie que nos ancêtres aient utilisée, il y a 500.000 ans (cette source comprend aussi les déchets de bois, la paille, etc).

 

Source

 

Mtep

 

En % du total des renouvelables

 

En % du total de la "production" d'énergie
bois & biomasse solide

1 035,1

77,20%

11,17%

hydroélectricité (1)

222,2

16,57%

2,40%

géothermie

43,8

3,27%

0,47%

déchets municipaux

19,0

1,41%

0,20%

biocarburants

10,6

0,79%

0,11%

biogaz

4,3

0,32%

0,05%

solaire thermique

3,9

0,29%

0,04%

éolien (1)

1,7

0,13%

0,02%

énergie marémotrice

0,1

0,01%

0,00%

photovoltaïque (1)

0,1

0,00%

0,00%

total

1 340,8

100,00%

14,46%


Contribution des diverses énergies renouvelables à l'approvisionnement énergétique mondial, en millions de tonnes équivalent pétrole (une tonne équivalent pétrole = 11.600 kWh), pour l'année 1999.
Source : Agence Internationale de l'Energie

(1) la conversion de ces énergies est faite sur la base 1 tep = 11.600 kWh électriques. La conversion sur la base de l'énergie primaire donnerait des montants 3 fois supérieurs.

Mais il faut quand même préciser un point important : c'est que le bois n'est pas nécessairement une énergie renouvelable ! En effet, par définition, une énergie renouvelable est une énergie... qui se renouvelle. Or, au rythme de consommation actuel, le bois ne se renouvelle pas en totalité, et la partie du bois brûlé - et qui a préalablement du être coupé - qui ne se renouvelle pas s'appelle... la déforestation, tout simplement.

Il y a donc une fraction de la consommation de bois qui n'est pas vraiment renouvelable, et qui ne devrait pas figurer dans ce classement ci-dessus. Il n'en reste pas moins que même la fraction renouvelable du bois constitue la première contribution aux énergies renouvelables dans leur ensemble.

Il y a d'autres énergies qu'il est courant de mettre dans la rubrique "renouvelables", alors que cette caractéristique se discute. Cela concerne par exemple l'énergie tirée des déchets municipaux. Certes, produire des déchets est le propre de la vie, et tant qu'il y aura des hommes il y aura des déchets. Mais une partie de ces déchets, aujourd'hui, se compose de plastique (environ 20%), c'est à dire de pétrole transformé, et il y a probablement débat pour savoir si cette partie - qui fournit une contribution importante dans l'énergie tirée des incinérateurs - a vraiment sa place dans les renouvelables !

La même réserve peut s'appliquer aux biocarburants, dont l'élaboration, aujourd'hui, consomme une quantité non négligeable d'énergie fossile, certaines filières ayant même un rendement négatif (c'est à dire que l'on met plus d'un litre de pétrole en entrée pour récupérer un litre de biocarburant en sortie). Cela n'est pas le cas de toutes, heureusement, mais dans les cas favorables il faut encore quelques décilitres de pétrole - non renouvelable - pour obtenir un litre de biocarburant.

Alors, renouvelable ou pas ... ?

Si, abstraction faite de ces subtilités de nomenclature, qui en fait sont des débats assez fondamentaux (il est malheureusement courant de débattre sur un sujet sans même savoir comment se définit l'objet du débat !), nous revenons à notre "classement" des sources renouvelables par ordre d'importance, après le bois nous trouvons l'hydroélectricité, qui pour le coup est 100% renouvelable, et qui "écrase" aujourd'hui, et de très loin, toutes les autres sources, bois excepté.

 

 

Il est assez facile de constater, sur les chiffres du tableau du haut de la page, que l'éolien, aujourd'hui, pèse environ 0,1% du total de la production "renouvelable" dans le monde, et environ 0,02% de l'approvisionnement énergétique mondial. Mais on m'objectera, avec raison, que la faiblesse des chiffres aujourd'hui ne veut rien dire sur le potentiel futur. L'argument est, de fait, parfaitement recevable ; avant de faire 40% de l'approvisionnement énergétique mondial aujourd'hui, il fut une époque où le pétrole en faisait 0%.

Pouvons nous avoir une idée du haut de la fourchette de l'approvisionnement éolien à l'avenir, "toutes choses égales par ailleurs" ?

Si nous regardons les taux de croissance sur de longues périodes qu'ont connu les autres formes d'énergie dans le passé, nous constatons qu'aucune d'entre elles, à l'exception du pétrole, n'a jamais dépassé 10% de croissance annuelle moyenne soutenue sur 50 ans.




Revenons à notre éolien : à partir des 0,02% actuels de contribution aux 9 milliards de tonnes équivalent pétrole consommés par l'humanité, si nous appliquons une croissance de 10% par an en moyenne sur les 50 ans à venir, cette source représenterait dans 50 ans 2,5% du total mondial si ce dernier fait toujours 9 milliards de tonnes équivalent pétrole, et moins de 1% de l'approvisionnement mondial dans 50 ans si la consommation globale d'énergie continue à croître de 2% par an pendant les 50 ans qui viennent.

La conclusion est assez simple : si nous voulons nous débarasser d'une fraction significative des combustibles fossiles dans les 50 ans qui viennent, faire ou ne pas faire d'éolien est assez indifférent.



Quelle part de l'éolien dans le bilan énergétique "renouvelable" français ?

Si nous regardons maintenant le cas français, nous n'avons pas plus le constat d'une contribution significative de ce mode de production au sein des énergies renouvelables.

 

 

Nous constatons sur ce graphique que l'éolien est la dernière des sources d'énergie renouvelables en France aujourd'hui, avec 0,1% de l'ensemble de ces énergies (et 0,01% de la consommation totale d'énergie finale en France) ; l'éolien fournit donc dans notre pays une part très proche, au sein des renouvelables, de ce qu'elle est pour le monde dans son ensemble (0,13%, voir tableau du haut de la page), et tout aussi négligeable pour le moment.

Il est dès lors facile de voir que de multiplier le parc français par 100, ce qui est désormais l'objectif ministériel (pour le passer de 100 à 10.000 MW installés), amènera l'éolien au niveau des déchets urbains solides aujourd'hui, et permettra d'espérer environ 1% de l'approvisionnement énergétique français actuel, ou 10% du total des renouvelables aujourd'hui. Cela nécessitera - déjà - 5.000 machines environ, c'est à dire qu'il est vraisemblable que les éoliennes deviendront des éléments courants du paysage dans les régions ventées (aussi courants que les pylônes à très haute tension, disons).

Techniquement on peut très bien le faire, et si cela peut être fait sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre (ce qui en France n'est pas gagné d'avance), c'est toujours cela de pris, mais même cette multiplication par 100 ne changera pas grand chose à la manière dont se présente le problème de notre approvisionnement futur si nous souhaitons diviser les émissions de gaz à effet de serre par 4 et/ou éviter un choc pétrolier futur. 

Les "champions" de l'éolien que sont l'Allemagne et le Danemark ont obtenu, respectivement, 0,1% et 1,3% de leur énergie totale par ce moyen en 1999 (source IEA). Au Danemark, qui a pobablement l'un des plus forts taux d'énergie éolienne dans le "mix" au monde, la consommation d'énergie a augmenté, sur la décennie 1990, de .... 1,3% par an en moyenne (source IEA). Dix ans d'efforts dans l'éolien ont tout juste servi à "absorber" une année de hausse de la consommation d'énergie, et pour cela, il a fallu en mettre des machines ! (ci-dessous).



A l'évidence l'éolien occupe aujourd'hui un espace journalistique bien excessif compte tenu de son importance réelle, quel que soit le pays considéré.

Auteur de l'étude Jean Marc Manicore
Site de l'auteur : www.manicore.com 
Contacter l'auteur :
jean-marc@manicore.com

 

Publié dans ARTICLES TECHNIQUE

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